Utiliser des images sur un site internet :préconisations & alternatives

L'utilisation d'images sur un site internet,
opportunités et limites


Internet n'est pas une vaste toile sur laquelle tout est facilement accessible, gratuit et librement utilisable.
Ce n'est pas parce qu'une image est accessible en deux clics qu'elle est librement téléchargeable et utilisable par n'importe qui sur n'importe quel autre site. Il faut toujours se soucier des droits et autorisations qui lui sont applicables.
 Le web est soumis à des règles juridiques que chacun doit connaître et respecter.  Le téléchargement pour réutilisation d’éléments visuels  (capture photos /vidéos, logo, copie de texte...) est très souvent pratiqué, sans s’interroger sur les droits qui s’y appliquent.

Les moteurs de recherche permettent  d'afficher des images ou vidéos très facilement et de les récupérer par copier /coller,téléchargement, ou capture écran... les moyens de copie sont faciles  et variés.
Google  indique clairement dans ses "Conditions d'utilisation de Google " (versions du 14 avril 2014, partie Utilisation de nos Services) : « N’utilisez pas nos Services de façon impropre. » ; « L’utilisation de nos Services ne vous confère aucun droit de propriété intellectuelle sur (…) les contenus auxquels vous accédez. »

Vous devez connaître 
-le droit appliqué aux images du web
-les réclamations possibles
-les moyens pour s'opposer  à des réclamations abusives..



I- LE DROIT APPLIQUÉ AUX IMAGES ET PHOTOS


Dessins, peintures, graphismes, photos, œuvres d’arts appliqués, illustrations, et plans sont notamment des œuvres de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle (art. L. 112-2 , points 7 à 12). Ces œuvres de création  originales  et personnalisées sont juridiquement protégées ( CPI, art. L. 111-1 ). Peu importe « le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination » de chaque création ( CPI, art. L. 112-1 ), elles méritent protection juridique au profit de leurs auteurs respectifs ( CPI, art. L. 113-1 ) du seul fait de leur création !

 Pour mériter une protection juridique, les œuvres doivent être originales, notion mal  définie par la loi, qui se traduit par une création différente de celles qui existent déjà, issue d’un effort intellectuel de la part de son créateur et faisant apparaître « l’empreinte de sa personnalité ».
Exemples de photos sans aucune originalité : photos familiales de mariage ; photos d’enfants  sur la plage ;   photos de maison ; en général, photos montrant des scènes déjà montrées sans réel cadrage ni recherches visuelles.

En tant que créateur, l’auteur de visuels originaux est seul en droit de les exploiter (CPI, art. L. 123-1 ). En ce sens, il peut signer des contrats avec des sociétés pour confier à ces dernières les droits de les commercialiser pour son compte (CPI, art. L. 131-2 et L. 131-3) auprès de magazines, sociétés d’édition, sites internet, banques d’images, etc

Généralement, le contrat conclu pour l’exploitation des images entre la plateforme et le photographe stipule que, en cas d’utilisation non autorisée des photos, la banque d'images est habilitée à agir en réclamation.


II- LES RÉCLAMATIONS DES BANQUES D’IMAGES


Instagram, Facebook, Twitter, Pinterest, YouTube, Dailymotion, etc., les moteurs de recherche  banalisent et démultiplient la possibilité de copier-coller d’images ou de photos en ligne.
Cependant, ils ne se soucient généralement ni des droits applicables ni des modes d’exploitation autorisés. 
Il arrive donc que des visuels issus de banques d’images se retrouvent librement accessibles à partir d'un site quelconque. Or, le fait qu'ils soient librement accessibles n’est pas synonyme de leur liberté d’utilisation.

Les sociétés de banques d’images surveillent le net et, à l’aide de robots, auditent des sites pour voir s’ils utilisent certaines de leurs images sans les avoir préalablement achetées. Si c’est le cas, ces banques d'images adressent une réclamation à l’éditeur du site utilisant ces images sans autorisation.
Celle-ci   prend la forme d’un courrier de mise en demeure à laquelle est parfois adjointe une demande de dommages et intérêts (souvent sous forme de solution amiable assortie de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la banque d’images).

Selon le droit de la propriété intellectuelle, toute représentation "sans le consentement de l'auteur" (c'est-à-dire non-autorisée) d’une création intellectuelle est illicite ( CPI, art. L. 122-4 ). Elle doit être qualifiée d’acte de contrefaçon passible d’amende autant que de peine de prison ( CPI, art. L. 335-2 ).

Le problème, pour celui qui publie une photo ou image, c'est qu'il est souvent impossible de savoir quels sont ces droits applicables ; dès lors, il paraît préférable de s’abstenir en cas de doute !

Parfois les conditions générales d’utilisation (CGU) peuvent utilement stipuler que les utilisateurs ne sont pas en droit de publier des visuels (photos, textes, dessins, vidéos, etc.) sans disposer préalablement des droits les y autorisant. En énonçant ceci, l’éditeur du site réserve et préserve sa responsabilité dans son propre intérêt.


En cas de réception d'un courrier de mise en demeure, l'éditeur du site dispose de "leviers" susceptibles de lui permettre de s'en sortir.



III- LES « LEVIERS » POUR S’OPPOSER AUX RÉCLAMATIONS DES BANQUES D’IMAGES


 Les courriers de mise en demeure des banques d’images sont souvent très impressionnants, toutefois l’éditeur du site dispose de différents « leviers » lui permettant de ne pas bourse délier, surtout s'il dispose d'arguments avancés. 
Que répondre ?

a- Le retrait immédiat  du visuel objet de la réclamation
Le visuel  doit être  immédiatement retiré du site, il s’agit ainsi de faire « amende honorable » en reconnaissant la faute commise et en montrant sa volonté de conciliation. ceci  doit suffire à satisfaire la demande.

b- La menace de poursuites judiciaires (peu probables!)
Ces risques de poursuites sont en réalité faibles car ils impliquent : un dépôt de plainte, la constitution d’un dossier et l’assistance d’un avocat. Tous ces éléments engagent des frais financiers importants allant toujours bien au-delà des sommes réclamées en réparation par la banque d’images. Ces menaces paraissent donc peu réalistes et semblent avant tout destinées à impressionner l'éditeur du site incriminé. Il est cependant prudent de ne pas sous-estimer lesdites menaces !

c- L’identification du véritable responsable de la mise en ligne des visuels

La banque d’images ne se soucie absolument pas de rechercher le réel responsable de la publication des visuels objets de la réclamation et dont elle détient les droits d'exploitation. Elle se contente de réclamer à l’éditeur du site incriminé sur lequel ils ont été publiés.

Mais si les photos ont été mises en ligne par un utilisateur du site (réseau social,  blog, dans des commentaires, etc.), c’est cet internaute qui engage sa responsabilité. Dans cette situation, l'éditeur peut bénéficier d'une responsabilité atténuée (loi CEN , art. 6-I ).


d- De la personne qui fait la mise en demeure de paiement


Si la mise en demeure est directement faite par la société qui gère la plateforme d’images en ligne, les choses sont claires : c’est à elle qu'il faut directement répondre.

En revanche, si la société qui gère la banque d’images agit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un mandataire, la mise en demeure sera probablement adressée par un avocat. Dès lors, vous pouvez exiger de ce dernier qu’il vous communique tout document prouvant qu’il représente effectivement la banque d’images et qu’il agit sur sa demande :
En l’absence de présentation de tels éléments, il semble envisageable de brandir les épouvantails de la tentative d’extorsion de fonds ( Code pénal , art. 312-1 ) et/ou de la manœuvre frauduleuse ( Code pénal, art. 313-1 ).

e- L'absence de signalement des droits sur les visuels

Hors le cas des œuvres orphelines ( CPI, art. L. 113-10 ), le droit de la propriété intellectuelle veut qu'une œuvre de l’esprit appartienne à son créateur ( CPI, art. L. 111-1 ), ou plutôt "à celui ou ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée" ( CPI, art.L. 113-1 ). Celui-ci est seul en droit de l’exploiter ( CPI, art. L. 122-1 et s. ), directement ou indirectement. Ceci se traduit souvent par une « notice » attachée à l’œuvre. Un tel élément informatif fait apparaître le nom de l’auteur et un signalement quelconque de propriété plus ou moins valable (« © », « Tous droits réservés », « Propriété de… », autre).

Cependant, une très grande partie des visuels publiés sur internet ne comportent aucune notice de propriété. Dès lors, un réflexe de bon sens voudrait que : « Dans le doute, abstient toi ! » Mais la facilité d’utilisation de l’informatique et d’internet ne favorise pas la prudence.

Ainsi, l’un des éléments de réponse à la mise en demeure consiste à refuser le paiement en argumentant de la nécessité, pour la banque d’images, d’indiquer une notice de propriété, notamment du fait qu’elles sont censées connaître les règles de fonctionnement du droit de la propriété intellectuelle. L’absence d’un tel signalement permet de rejeter la demande de paiement du fait que la banque d’images ne peut ignorer les obligations légales qui lui incombent.
f- Le mauvais argument de la bonne foi

Un réflexe de bon sens voudrait que l’éditeur du site s'informe et vérifie pour savoir si le visuel qu'il souhaite utiliser est protégé par des droits. Malheureusement, ce réflexe juridique est souvent négligé. Dès lors, il ne peut pas argumenter de sa bonne foi lors de la récupération de l’image pour sa mise en ligne (cf. Cour de cassation, 10 juillet 2013). En effet, c’est à lui seul qu’appartient le devoir de rechercher quels sont les droits applicables en l’espèce. De même, la source ou l’origine du visuel ne peuvent servir d’arguments. Bref, la bonne foi ne peut jouer en faveur de l'éditeur du site incriminé.

g- Les captures d’écran, tout juste un  début de « commencement de preuve »

Systématiquement, le courrier de mise en demeure est agrémenté d’une ou plusieurs captures d’écrans pour mettre en évidence la présence et l'acte de reproduction du visuel sur le site incriminé. La lettre précise d’ailleurs que ces captures « valent preuves » ou qu’elles « font foi ». Ces terminologies sont essentiellement symboliques.

Habillement, la banque d’images ou son avocat évitent de dire clairement que les captures d’écrans constituent des « preuves » parce qu'ils ne peuvent pas le prétendre. En effet, il n’existe que deux méthodes pour établir une preuve de manière irréfutable :
-qu’un juge déclare chaque capture d’écran comme telle ;
-que les captures d’écrans aient été faites par constat d’huissier de justice (officier public) en respect de la norme AFNOR NF Z67-147 .  (coût élevé, donc rarement utilisé)


Dans le cadre d’une démarche non judiciaire, l’huissier peut constater l’utilisation sans autorisation de visuels sur un site. Pour que ce constat soit une preuve irréfutable, il doit être établi selon la norme NF Z67-147 de septembre 2010, intitulée Mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par Huissier de justice. En effet, pour que les captures d’écran sur internet valent preuves, ces constats doivent respecter un formalisme très scrupuleux destiné à ne laisser aucun doute quant à la valeur de la capture d’écran.
h- L’originalité des visuels

Beaucoup de visuels  sont issus d’un réel effort de création et, à ce titre, méritent protection par le droit d’auteur. Cependant, une grande partie de ces visuels semblent être "banals". Dès lors, leur originalité et, concomitamment, leur protection juridique peuvent être débattues !

En outre, beaucoup de sites internet n'utilisent des visuels dépourvus d'originalité, leur seule utilité étant d’illustrer une situation banale.

Avec plus ou moins de bonne foi, l’éditeur du site incriminé peut argumenter de l’absence d’originalité des photos en énonçant qu’elles ne sont pas issues d’un effort intellectuel de création et/ou que l’on peut trouver de nombreux visuels similaires sur internet. À dessein, l’on peut pointer ces photos présentant de très fortes ressemblances.

i- L'emploi du terme "visuel"

Au regard du débat sur l'originalité des photos, il est alors possible de s'interroger sur la valeur juridique de l'emploi du terme "visuels" dans le courrier de la mise en demeure. Il est probable que l'emploie de ce terme favorise la banque d'images en ce qu'elle s'offre ainsi toutes opportunités de les qualifier juridiquement en tant qu' "œuvres de l'esprit".
j- L’acte de contrefaçon

Si l'éditeur du site incriminé utilise les visuels sans disposer d'autorisations préalables, l'acte de contrefaçon est constitué sous couvert d'originalité de la création. Il tombe donc sous le coup des articles L. 122-4 et L. 335-2 combinés du Code de la propriété intellectuelle.

Cependant, seul un juge peut prononcer cette contrefaçon et infliger une peine à la personne fautive de cet acte. Donc, le courrier de mise en demeure ne peut présenter cela que comme une menace, pas comme une qualification juridique irréfutable.

k- Le temps de réponse (abusif)  laissé par la mise en demeure

Fréquemment, la mise en demeure n’accorde qu’un très bref délai à l'éditeur du site incriminé pour répondre et acquitter les sommes réclamées. Ce délai est de plus ou moins une dizaine de jours ! Il s’agit là d’une manœuvre psychologique destinée à déstabiliser l’éditeur du site pour qu’il paye sans prendre le temps de la réflexion. En réalité, ce délai n’a aucune valeur légale et n’a donc pas à être expressément respecté.

l- Le contre-argument de la tentative d’extorsion de fonds
Tous les arguments avancés dans le courrier de mise en demeure sont psychologiquement très puissants, mais disposent de fondements juridiques chancelants. Il semble donc possible de qualifier la demande de la banque d’images en tant que tentative d’extorsion de fonds au sens de l’ article 312-1 du Code pénal . Le faible délai laissé pour le paiement permet de renforcer ce contre-argument.

De plus, l'envoi de plusieurs courriers exigeant le paiement sans apporter de nouveaux arguments en leur faveur est fréquent. La tentative d’extorsion est alors clairement caractérisée par la répétition. Dès lors, il suffit de leur répondre que l’on ne donnera plus suite à leurs réclamations et qu’en cas de nouveau courrier de mise en demeure une plainte en justice sera déposée. Pour plus de force dans la réponse, il peut être dit que la plainte sera déposée avec constitution de partie civile .

m- L’emploi de manœuvres dilatoires
Des « manœuvres dilatoires » correspondent à l’emploi de procédés divers destinés à gêner de différentes façons quelqu’un.

En réponse au courrier de mise en demeure, il peut être intéressant d’apporter différents arguments gênants. 
Par exemple, la loi de 1881 sur la liberté de la presse peut être employée, même si elle s’avère probablement inefficace en l’espèce. La loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (n° 2004-575) peut également être utilisée sous différents aspects.

n- En cas de demande adressée par une personne située à l’étranger

La banque d’images ou l’avocat adressant le courrier peut être situé à l’étranger et réclamer des dommages et intérêt en application de la loi du lieu de leur siège social.
Or, sauf cas particuliers, une règle du droit international privé veut que tout délit soit pris en compte en application de la loi du lieu où il s’est produit (« l ex loci delicti »). Internet n’y change rien !

De plus, s’il s’agit d’un site accessible en France, écrit en français, destiné à un public français et pouvant disposer d’une URL en « .fr », la loi française doit être appliquée. De plus, le supposé délit concernant l’utilisation non autorisée des photos a été commis en France. Tous ces indices conduisent à l’application du droit français par préférence à toute loi étrangère.

IV- QUELQUES PRÉCONISATIONS & ALTERNATIVES


Dans tous les cas, il faut avoir le réflexe de n'utiliser que des visuels dont on connait les droits applicables ou dont on est sûr de disposer des autorisations pour les publier sur son site internet.

Pour résumer, voici les bons réflexes à avoir lorsque l’on reçoit un courrier de mise en demeure et versement d'indemnités pour la mise en ligne de photos sans autorisation préalable :
  • Aller sur le site pour voir si les photos sont présentes ; 
  • Regarder qui a mis les photos en ligne ; 
  • Ne pas payer, au moins dans un premier temps ; 
  • Retirer immédiatement les photos ou images objet de la mise en demeure ; 
  • Avoir un avis juridique éclairant ; 
  • Garder à l’esprit que la menace d’un procès reste hypothétique ; 
  • Ne pas répondre de manière hâtive ; 
  • Utiliser l’argument de la norme NF Z67-147 face aux captures d’écrans et face au fait qu’elles sont présentées en tant que preuve ; 
  • Avancer le contre-argument de la tentative d’extorsion ; 
  • Répondre de manière neutre et avec des arguments juridiques étayés ; 
  • Ne pas hésiter à faire un courrier de réponse long et empreint de manœuvres dilatoires pour obliger la banque d’images ou son avocat prestataire à consommer du temps pour vous répondre. 
Utiliser Google en faisant une recherche avancée sur Google Images permet de trouver des images gratuites libres de droits ? Faire une recherche, puis dans le menu, cliquez sur « Outils » et sélectionnez l’option « Réutilisation et modification autorisée » dans le filtre « Droits d’usage ».





Enfin, voici plusieurs plateformes disposant d’images a priori libres de droits :


Et d’autres liens utiles :
Attention tout de même à bien vous assurer des droits d’utilisation(s) portant sur chaque photo ou image que vous souhaitez utiliser !

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Ce texte n'est qu'une synthèse de l'excellent article
"L'utilisation d'images sur un site internet, opportunités et limites", 
auteur Cédric FAVRE.